Par RFIPublié le 24-12-2015Modifié le 24-12-2015 à 07:10
Hocine Aït-Ahmed, décédé mercredi 23 décembre à 89 ans en Suisse, a combattu farouchement durant un demi-siècle le pouvoir des militaires en Algérie, après avoir été l'un des pères de l'indépendance. RFI a recueilli les réactions de ceux qui l'ont cotoyé, parfois dès le plus jeune âge.
C'était le dernier des neuf « historiques ». Ceux qui ont décidé, en 1954, de déclencher la lutte de libération de l'Algérie, alors que le pays était encore une colonie française. Ali Haroun, un des fondateurs du Front de Libération national (FLN), l'a côtoyé lorsqu'adolescent, Hocine Aït Ahmed s'engage dans la guerre pour l'indépendance. « C'était l'intellectuel du groupe, se souvient-il. Tous les jeunes Algériens conscients souhaitaient être indépendants. C'était un garçon qui déjà au lycée était un être assez exceptionnel puisqu'il a été choisi comme le premier responsable de l'Organisation spéciale (OS), une organisation paramilitaire qui depuis 1947 préparait l'action armée qui s'est déclenchée en 1954. Il a représenté l'Algérie en guerre - qui n'existait pas encore internationalement - à la conférence de Bandoeng en 1955. »
Figure de la classe politique algérienne durant un demi-siècle, il fut auparavant l'un des fers de lance de la résistance à la colonisation française. Pour Omar Benderra, militant des droits de l'homme en Algérie, Aït Ahmed a, toute sa vie, défendu l'Etat de droit et la transparence. « Pour le peuple algérien, Aït Ahmed est une figure tutélaire de l'indépendance mais aussi de la lutte pour la démocratie. C'est cela qui est fondamental, c'est cela qui restera de lui », estime-t-il. Il est le « dernier des géants », selon les termes de Benderra, « celui qui a refusé tout compromis et toute compromission avec la dictature. Il a très vite remis en cause l'ordre que préparait Ben Bella appuyé par les militaires et il s'est très vite retrouvé dans la clandestinité et quasiment à la tête d'un mouvement de résistance dans sa Kabylie natale. Il a toujours été vigilant sur la nature de ses alliances et a toujours voulu que l'Algérie soit un pays ouvert sur monde [...] organisé de manière démocratique sur la base de l'état de droit. »
Quel héritage laissera Aït Ahmed, et notamment quel héritage le fondateur du Front des forces socialistes (FFS) a laissé à son parti ? A t-il su préparer la relève ? Djamel Zenatti, qui a été directeur de campagne d'Hocine Aït Ahmed pendant la campagne de la présidentielle de 1999 et son conseiller politique pendant plusieurs années, ne se prononce pas. Mais il reconnait que l'effacement et l'éloignement d'Hocine Aït Ahmed a affecté le parti qui n'est plus à la hauteur des combats de son fondateur : « Il faut rappeler que Hocine Aït Ahmed a toujours été intransigeant sur un certain nombre de questions. Malheureusement, (son) effacement, (son) éloignement du FFS a eu un impact sur le parti qui s'est écarté quelque peu de ses grands principes. J'espère que ce triste évènement va interpeller les consciences à l'intérieur du parti et renouveler l'esprit d'Aït Ahmed à l'intérieur de cette formation politique. »
Le FFS, éloigné des urnes durant une dizaine d'années, est revenu dans l'arène politique à l'occasion des élections législatives de mai 2012, en remportant 27 sièges sur 462. Et il a opté pour le « ni boycott, ni soutien» du scrutin d'avril 2014 que Abdelaziz Bouteflika devait remporter pour la quatrième fois.
Svelte, élégant, habillé sobrement mais avec recherche, le nez aquilin et le et les cheveux poivre et sel, Aït Ahmed, qui était docteur en droit, cultivait l'image d'un homme calme, posé et de grande culture.
Par RFIPublié le 28-12-2015Modifié le 28-12-2015 à 10:45
Deuil de huit jours, obsèques nationales, c'est un hommage digne d'un chef d'Etat que le pouvoir algérien a choisi de réserver à Hocine Aït-Ahmed, décédé à Lausanne mercredi et qui sera enterré le 1er janvier prochain.
Cette figure de l'indépendance, l'un des principaux dirigeants du FLN dans les premières années de sa création a pourtant, très vite après l'indépendance, rompu avec le FLN, pour fonder son propre parti, le FFS (Front des forces socialistes). S’en est suivi une campagne de répression ayant mené, à terme, à son exil en 1966.
Pour la chercheuse, Louisa Dris-Aït-Hamadouche, professeur de sciences politiques à l'université d'Alger, le paradoxe n'est qu'apparent. « A première vue, il y a un paradoxe, mais je dirais qu’aujourd’hui le discours très positif vis-à-vis de Hocine Aït-Ahmed remplit une fonction politique extrêmement importante pour le gouvernement, dans la mesure où il personnifie la légitimité révolutionnaire sur laquelle continuent, malgré tout, de s’appuyer les autorités politiques actuelles », estime-t-elle.
« N’oublions pas que le président de la République se présente à chaque fois comme un moudjahid, donc comme un combattant, faute de légitimité plus forte que celle-ci aujourd’hui. Et puis il y a un véritable consensus autour de la personne. Donc dans la mesure où le gouvernement fait face à des difficultés politiques et économiques très importantes, il a vu, de façon très opportuniste, dans le décès de Hocine Aït-Ahmed, une occasion de fédérer autour de lui l’opinion publique et les partis politiques », conclut Louisa Dris-Aït-Hamadouche.
Hocine Aït-Ahmed était le dernier des « neuf historiques », qui ont décidé, en 1954, de déclencher la lutte pour la libération de l'Algérie, alors que le pays était encore une colonie française. Il est décédé à l'âge de 89 ans.